Si au Canada plus de 65 000 canadiens travaillent dans les différents secteurs de l’industrie de la fourrure, que le commerce de cette dernière contribue pour 800 millions de dollars à l’économie canadienne en incluant plus de 450 millions de dollars en exportation*, en France le piégeage professionnel est si rare que le piégeur devient une espèce en voie de disparition donc à protéger.
Nous en avons pourtant rencontré un au détour d’un chemin dans la campagne Tourangelle.
Je m’appelle Fabrice MAZE, j’ai 40 ans, marié et père de deux enfants. Je suis piégeur professionnel en Indre et Loire depuis 4 ans.
Comment devient-on « un trappeur » comme disent nos cousins canadiens :
J’ai toujours été proche de la nature. J’ai grandi à la campagne dans un esprit chasse. J’ai parcouru les champs, les bois dès mon plus jeune âge. A l’âge de 16 ans j’ai passé mon permis de chasser avec en parallèle un autre virus : la pêche. La capture des animaux m’a toujours passionné et tout naturellement je me suis mis au piégeage dans le but de préserver le petit gibier. En 1987, j’ai suivi la formation dispensée par la Fédération des Chasseurs (F.D.C.) afin d’obtenir mon numéro d’agrément.
Sur un plan professionnel, j’ai suivi une formation de fraiseur- tourneur. Mon emploi du temps me permettait de pouvoir me consacrer à mon activité cynégétique et en même temps je me suis retrouvé garde particulier sur un petit domaine au portes de TOURS.
En 2009, l’entreprise qui m’emploie doit faire face à un plan de redressement économique et je me suis retrouvé licencié.
Il faut dire aussi que je me suis investi assez rapidement dans l’Association Départementale des Piégeurs Agréés d’Indre et Loire en qualité de secrétaire. Toutes ces actions parallèles m’ont permis de créer un réseau relationnel important et de connaître au plus près les possibilités économiques liées au piégeage. J’avais sans le savoir, fait d’une certaine façon mon étude de marché et ses potentiels.
Une expérience, une passion, un réseau, des clients et un investissement « limité » pour démarrer ma nouvelle expérience : devenir piégeur professionnel à plein temps. Je dois reconnaître que le « client » le plus difficile à convaincre à certainement été mon épouse !
Qui sont vos clients et quelles espèces posent le plus de problèmes :
J’ai eu la chance de démarrer mon activités auprès de grandes sociétés en particulier le groupe « Vinci » pour assurer la sécurité des bassins de rétentions sur une partie de l’autoroute A10, A85 et A 28. En clair, mon premier ennemi : le ragondin. Il s’agit de piéger cette espèceà l’aide de cages-pièges pour l’essentiel. Il faut être rigoureux dans ses actes et ses déplacements car je peux vous dire que l’autoroute reste un endroit dangereux et je remercie son personnel pour ses précieux conseils. De toute façon, un protocole excessivement rigoureux encadre toutes mes interventions sur le réseau autoroutier.
J’interviens également sur le réseau ferroviaire pour des problèmes de blaireaux qui mettent en danger la stabilité des infrastructures (lignes classiques ou LGV). Autorisation préfectorale et rigueur également dans les moyens d’intervention car je peux vous dire que l’autoroute ou la voie ferrée ne sont pas des endroits de tout repos, le danger est sans cesse présent.
Par la suite, mon réseau de « commerciaux » a très vite fonctionné car très rapidement les particuliers m’ont appelé pour des problèmes de fouine dans les combles (une soixantaine d’interventions par an), des renards dans les poulaillers mais pour cette demande je suis plus réservé car les résultats sont plus aléatoires et très souvent j’essaye de relayer cette opération vers un piégeur bénévole. Quelques furetages également font partie du quotidien.
D’autres interventions, d’autres espèces :
Oui, en particulier la problématique des pigeons domestiques qui ont élu domicile dans les bâtiments communaux. J’ai développé les contrats avec les collectivités locales voir également quelques entreprises ennuyées par l’intrusion de ces volatiles dans des entrepôts et les risques sanitaires que ces oiseaux peuvent engendrer.
Nous voyons également que vous intervenez dans la dératisation :
Vous savez, le piégeage est compliqué, que la réglementation prévoit des horaires surtout matinaux, de ce fait, je consacre une partie de la journée à une activité complémentaire : la dératisation. Une opportunité s’est trouvée par le rachat d’un professionnel de ce travail, pour cause de retraite. J’ai donc suivi diverses formations pour obtenir le certificat de distribution et d’application en prestation de service de produits antiparasitaires à l’usage agricole et de produits assimilés (DAPA) ce qui m’a permis d’obtenir mon agrément de dératiseur. Je peux donc commercialiser différents produits relatifs à la lutte contre les rats. J’interviens aussi bien chez des particuliers, des entreprises voir des collectivités locales.
Une autre espèce qui fait beaucoup parle d’elle : le frelon asiatique, êtes-vous sollicité pour lut
Tout à fait, d’ailleurs nous parlons aujourd’hui du frelon à pattes jaunes, il devient très présent dans notre département. Je me suis d’ailleurs très rapidement équipé d’un matériel performant (une canne télescopique de 20 mètres) ainsi qu’un ensemble de sécurité qui me fait ressembler à un astronaute. J’utilise parfois un élévateur, bien entendu dans ce cas le coût de l’intervention devient important.
De ce fait, certain particulier laisse le nid ce qui conduit à la colonisation de nos campagne par le frelon au détriment de nos abeilles. Je suis en relation avec la Fédération Départementale des Groupements de Défense contre les Organismes Nuisibles au Cultures (F.D.G.D.O.N.C.) qui cherche désespérément des fonds pour venir d’une certaine façon subventionné l’intervention chez un particulier. Il ne suffit pas de déclarer l’espèce « nuisible et envahissante » encore faut-il s’en donner les moyens. Nous réfléchissons également à mettre en place un code de bonne conduite et de bonnes pratiques afin de reconnaître les entreprises sérieuses car parfois les tarifs frôlent l’arnaque.
Un regret, une remarque :
La dernière réglementation qui prévoit la non utilisation des pièges de la catégorie 2 et 5 dans un rayon de 200 mètres des étangs, rivières, cours d’eau, bras morts et zones humides dès l’instant que la présence du castor et de la loutre est avérée va réduire considérablement l’activité des piégeurs. L’Indre et Loire est très concernée puisque 137 communes (50%) du département ont été déclarées des zones à présence du castor et de la loutre. Pouvez-vous m’expliquer quelle est l’incidence de la pose d’un piège en X sous la sablière d’une toiture pour prendre une fouine ou en gueule de terrier pour un renard ? Ces techniques risquent-elles de mettre en péril la vie d’un castor ? Il s’agit d’une véritable arnaque sur le piégeage et je trouve que nos instances nationales sont restées bien muettes sur le sujet.
En conclusion, regrettez-vous votre nouvelle vie professionnelle :
Absolument pas, je suis responsable de la gestion de mon emploi du temps même si je reconnais que parfois les semaines sont longues mais peu de gens arrivent à concilier passion et profession. Je profite de cet article pour remercier toutes les personnes et les organisations qui m’ont fait confiance et m’aident dans mon activité.
Michel HUBERT
ADPA 37